Sur le papier, la voiture à hydrogène cumule l’avantage de la voiture électrique, avec aucune émission à l’échappement, et celui de la voiture thermique, d’un plein de carburant en quelques minutes. Mais le bilan énergétique est à nuancer et le réseau de distribution de carburant, inexistant.

 

Avec des ventes en hausse de 137 % en 2020, la voi­ture électrique semble avoir le vent en poupe ! Mais l’électrique à batterie ne convient pas à tout le monde. Mal­gré d’immenses progrès tech­niques ces dernières années, le temps de charge et la disponibilité des stations demeurent des écueils importants. Si bien que la voiture électrique à pile à com­bustible alimentée par hydrogène est toujours considérée comme une piste d’avenir. Si certains constructeurs automobiles, tous comme les autres acteurs privés de la filière hydrogène planchent sur le sujet depuis des années, un grand pas vers la concrétisation a été franchi à l’été 2020, lorsque la Commission européenne a chiffré des ambitions à long terme. Bruxelles espère ainsi voir l’hydro­gène représenter de 12 à 14 % du mix énergétique à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, il convient d’augmenter la capacité de production de ce gaz vecteur d’énergie, encore balbutiante au­jourd’hui : la Commission euro­péenne vise 6 GW en 2024 et 40 GW en 2030. Cette montée en cadence nécessitera des investis­sements évalués entre 180 et 470 milliards d’euros d’ici à 2050, avec notamment la mise en place d’électrolyseurs de taille plus importante, pour en améliorer le ren­dement.

Le rendement, justement, est un des points noirs de la production d’hydrogène. Car une voiture à pile à combustible qui, aux yeux du client carbure à l’hydro­gène, n’est en réalité rien d’autre qu’une voiture électrique : comme sur une voiture à batterie, c’est bien des moteurs électriques qui entraînent les roues. Et l’hydro­gène, contenu dans le réservoir, peut finalement être considéré comme un simple moyen de stocker l’électricité. Dans un mo­dèle à batterie, cette dernière ne subit que peu de transformations de la centrale à la roue, tandis que la chaîne est bien plus complexe dans le cas d’un véhicule à pile à combustible. Car l’électrolyse de l’eau (procédé qui consiste à cas­ser la molécule d’eau pour donner comme produits de l’oxygène et de l’hydrogène), est suivie de l’opération inverse au sein de la voiture lorsqu’elle roule, avec à chaque fois des pertes d’énergie. De quoi obtenir un rendement total de seulement 35 à 40 %, tout à fait comparable à celui d’un mo­teur thermique et environ deux fois inférieur à celui d’un modèle à batterie. Et cela même si ces der­nières posent d’autres problèmes environnementaux, liés notam­ment à la production de leurs bat­teries, et à l’extraction des minerais de lithium et de cobalt, en particulier.

Face aux progrès technologiques des voitures électriques à batterie sous la pression des objectifs de C02 européens, l’avènement de la voiture à hydrogène pourrait être encore retardé. Daimler, par exem­ple, se range à l’opinion de ceux qui estiment que les courbes de prix de la pile à combustible et de la batterie ne se croiseront jamais ; que la voiture électrique sera pour l’éternité une voiture à batterie, pas à hydrogène. Au point d’aban­donner la commercialisation de son SUV Mercedes-Benz GLC F- Cell pour se concentrer sur les poids lourds. Car si une part des automobilistes semblent prêts à s’accommoder des limitations de la batterie, les gestionnaires de flottes d’entreprise tolèrent mal l’idée de voir leurs véhicules im­mobilisés durant de longues heures, le temps de charger leurs énormes batteries. Dans la catégo­rie des transports routiers, Hyun­dai et Toyota emboîtent le pas à Daimler, d’ailleurs.

Si les automobilistes apprécie­raient à n’en pas douter la possibi­lité de faire le plein en trois minutes, pour pouvoir parcourir environ 500 km, il reste à la voi­ture à hydrogène à baisser son prix. Les Hyundai Nexo et Toyota Mirai sont ainsi facturées entre 68 000 et 80 000 €. De quoi décou­rager les plus fervents écologistes. Les raisons de ces tarifs élevés sont nombreuses.

La première concerne le platine, un métal coûteux servant de cata­lyseur au niveau des cellules. Hyundai considère également que la membrane polymère qui sépare les deux électrodes permettant la réduction d’oxydo-réduction est un élément qui doit être pris en compte. Aujourd’hui en effet, le constructeur coréen fait appel à un unique fournisseur japonais – le seul qu’il estime valable – dont le savoir-faire se paie. Enfin, le ré­servoir est également un point cri­tique. Stocker le dihydrogène sous une pression de 700 bars réclame des bonbonnes ultra-résistantes. Chez Faurecia, équipementier français actuellement capable de produire de tels réservoirs (non- recyclables !), on avoue qu’ils re­quièrent 40 kg de fibre de carbone. Là encore, avec un coût en constante baisse (selon Bloomberg, le kWh de batterie au lithium coûtait 1 065 € en 2010, contre 140 seulement en 2019), la voiture électrique à batterie à son mot à dire. Car le prix du carburant est encore élevé : aujourd’hui, 1e  kg d’hydrogène est facturé aux envi­rons de 11 €, soit un coût pour 100 km un peu supérieur à 14 €. L’équi­valent d’une berline essence haut- de-gamme, donc.

Autre problème de taille, le réseau de distribution est pour l’instant inexistant, avec seulement huit stations en France capables de dé­livrer 700 bars, dont six en région parisienne. Sur ce point, les voi­tures électriques à batterie ne dis­posent que d’une très courte avance et certains pays, comme la Norvège, commencent déjà s’at­taquer au problème avec le projet HyNor. Les stations maillent le sud du pays, avec une production sur place de dihydrogène grâce à des électrolyseurs alimentés par des panneaux solaires. De quoi di­minuer l’impact écologique, no­tamment en limitant le transport du précieux gaz. Car, là encore, il faudra prendre garde à la manière dont est produit l’hydrogène, qui doit être un équilibre subtil entre le coût, pour garantir son attracti­vité, et l’impact écologique, pour que la planète profite réellement de cette transition. La réalité n’est pas si rose, avec pour l’instant une production d’hydrogène très énergivore, qui se fait à 96 % par vaporeformage de combustibles fossiles. L’hydrogène « vert » ne sera viable que dans le cas d’une consommation à grande échelle. Et la compression nécessaire de ce gaz à 700 bars pour le faire en­trer dans les réservoirs n’est pas neutre. Sans compter l’énergie pour le maintenir à l’état liquide, promis comme un des modes de stockage de l’avenir, à une tempé­rature de – 253 °C.

À ce titre, le plan de la Commis­sion européenne qui prône un re­cours à toutes les méthodes de production possible a de quoi faire grincer les dents des écologistes : fabriquer de l’hydrogène à l’aide de carburants fossiles est-il plus intéressant qu’utiliser directement ces derniers dans les moteurs ? Cela reste à démontrer. L’hydro­gène ressemble a priori à une solution d’avenir capable de ringardiser la voiture électrique à bat­terie et ses contraintes. Mais ce n’est sans doute pas la panacée.